"Bienvenue dans la Grande Maison, celle là même où l'on cultive la pluridisciplinarité..."Ce sont les premiers mots que j'ai entendu lors de la pré-rentrée de 2004-2005...
Pour commencer, je me présente, je m'appelle Julien, j'ai 24 ans, j'ai eu mon bac ES en 2003 avec mention bien (Ma note d'éco l'a amplement permis donc merci Madame Gineste;)). Je suis parti faire une prépa HEC à Gap qui s'est très bien déroulée, j'ai terminé la 1ère année sans difficulté particulière (à part la charge de travail mais c'était largement acceptable). Mon professeur d'éco en prépa m'a alors proposé de tenter le concours d'entrée à Sciences Po et j'ai suivi ses conseils. Bien m'en a pris puisque j'ai été reçu. Comme le rappelle Guyleguy, les conditions de passage de ce concours sont exécrables en raison de la période de l'année, des couloirs bondés et du stress inhérent à tout concours... C'est en cela que les concours diffèrent des examens, il faut non seulement être bon mais être dans les meilleurs... La stratégie n'est pas la même. Le sujet d'histoire du concours d'entrée s'intitulait ainsi: "De Gaulle et Mendès France: Deux Hommes face à la décolonisation"... L'épreuve de langue est également très sélective car très technique...
Ma première année a été assez difficile... Selon le milieu social d'origine, on peut se retrouver perdu au début et avoir un certain complexe d'infériorité. La culture légitime est extrêmement importante dans un institut tel que l'IEP et les plus à même de s'en sortir dès la 1ère année sont ceux qui ont suivi une prépa littéraire. En effet, une des matières les plus importantes du cursus iepien est la Culture générale qui se résume à une dissertation touchant tous les domaines possibles et inimaginables, organisée de manière limpide afin de démontrer son point de vue... Pareil qu'une dissertation au lycée me direz-vous? Pas totalement, déjà parce que les sujets sont beaucoup plus recherchés (quelquefois tordus...) et parce que c'est également la matière qui demande le plus de rigueur... C'est un entraînement comme un autre. Les sujets ont été très variés pendant ces 5 ans: "le rap" "la paix la plus injuste vaut mieux que la guerre la plus juste" "les hommes ont les gouvernements qu'ils méritent" "les pires tyrans sont ceux qui savent se faire aimer" "Pourquoi l'Homme va sur la lune si c'est pour s'y suicider"... Tout ça au cours d'épreuves de 5 heures... Même si ça peut paraitre démentiel, je vous rassure, on s'en sort très bien (enfin, des fois un peu moins
). La première année permet de prendre le pli, d'apprendre à connaître sa promo, son univers ainsi que la merveilleuse ville d'Aix.
La deuxième année, les élèves doivent se pré-spécialiser dans certaines filières, bien que le choix reste ouvert pour la quatrième année. Pour ma part, j'avais choisi la filière Service public car elle m'offrait les perspectives les plus larges tout en insistant sur le droit public et l'économie. En fin de deuxième année, vous choisirez votre intitulé de mémoire qui devra, en théorie vous tenir en haleine, pendant toute la 3ème année et une grande partie de la quatrième. Or, la 3ème année se déroulant sous forme d'Erasmus ou de stage à l'étranger, vous apprendrez vite que c'est une année presque perdue sur le plan de l'avancement du mémoire, mémoire qui doit faire plus de 100 pages et avoir l'aval de votre maître de mémoire, choisi au préalable par vos soins (le choix est crucial: ne pas prendre un prof laissant trop de libertés, mais pas non plus un dirigiste digne des plus grands dirigeants de l'URSS;).
Ma troisième année s'est déroulée en Italie, à Florence plus précisément. J'ai étudié assidument (pour un Erasmus) mais il est vrai que l'essentiel n'est pas là mais plutôt dans l'ouverture à un autre pays, une autre culture... Les soirées s'enchainent, ainsi que les maux de crâne... Mais cette année reste vraiment merveilleuse à tous niveaux.
Le retour en France pour la quatrième année est très très très très dur... Il faut redescendre de son petit nuage et enfin commencer ce fichu mémoire à rendre en février. Surtout que certains de nos amis ont été très productifs pendant leur séjour à l'étranger et là: LA PANIQUE S'INSTALLE... Surtout que vos professeurs vous font peur en vous disant que vous devriez avoir bientôt tout boucler, qu'il faut désormais préparer le Grand'O... Nous reviendrons plus tard sur la plus grande tradition de l'IEP d'Aix. Donc en 4ème année, la spécialisation s'approfondit, les cours de culture générale et de droit (pour ma part) s'intensifient, le travail à la maison demandé est de plus en plus poussé... Mais bon, encore une fois, on s'en sort. En février, a lieu la remise des mémoires et leur présentation face au maître de mémoire et un autre professeur n'y ayant pas participé qui posera la majorité des questions. Le sujet de mon mémoire se résumait ainsi: "Leadership politiques et enthousiasmes sportifs en Italie: De Mussolini à Berlusconi".
Le mémoire passé, la plus importante "épreuve" (et je pèse mes mots) de la 4ème année, et finalement du cursus iepien, se profile... LE GRAND'O!!! Rien que ce mot va vous faire passer des nuits blanches
Le Grand'O consiste en une préparation de 30 minutes sur un texte donné par un membre du jury (le plus souvent, des profs que vous avez cotoyé en amphi, pour les plus assidus;)) pour un temps de parole de 10mn (obligatoirement entre 9mn30 et 10mn30) qui permet de faire un commentaire de texte organisé en 2 parties 2 sous parties avec introduction en 3 ou 4 parties selon les préférences... Et après, si vous avez passé la première partie, vous êtes mitraillés de questions (quelquefois sans aucun rapport avec vos études) par 3 professeurs déchainés pendant 20mn... 20mn, ça peut sembler une éternité... Vous avez beau avoir essayé de tout apprendre, je dis bien tout, pendant deux mois, de vous être entraînés avec vos camarades d'infortune à répondre à tout de manière nuancée tout en étayant votre pensée, le jury cherchera à vous coincer et je vous rassure il y arrivera
Cependant, le Grand'O n'est pas seulement un exercice de connaissance, le jury est conscient qu'il est impossible de tout savoir, c'est également un exercice de comportement, presque comme un entretien d'embauche. Il faut convaincre pour vaincre. Mais si l'issue est positive, et elle l'est le plus souvent, quelquefois après plusieurs tentatives, le soulagement est là: YES, WE DID IT!!!
La 5ème année permet la validation du master et dans mon cas la préparation à des concours comme l'ENA, Administrateur territorial, l'Ecole nationale de la Magistrature, les Douanes... Tous les concours administratifs possibles et inimaginables de catégorie A et A+. Le travail y est beaucoup plus intense qu'auparavant mais la motivation est plus grande étant donné que les objectifs sont plus concrets
Voilà, j'ai essayé de vous montrer (sans respecter le fameux 2 parties 2 sous parties) comment le cursus se déroulait, puisque mon prédécesseur avait plus insisté sur le concours d'entrée, et j'espère ne pas vous avoir trop effrayés. Si vous avez des questions, n'hésitez surtout pas. Pour finir, seul point réellement négatif de l'IEP, une organisation proche de celle de la faculté et une administration bien souvent défaillante malgré la bonne volonté des gens qui y travaillent.